Pourquoi « désimperméabiliser » les sols ?
Face à la crise météorologique que nous connaissons ces derniers jours, la gestion de l’eau à l’échelle du territoire doit évoluer.
Ces situations météorologiques extrêmes sont de plus en plus fréquentes et allongées. Elles sont liées au réchauffement climatique et à l’activité humaine. Nous avons donc tous notre part de responsabilité et pouvons tous agir, sans sombrer dans le défaitisme.
L’imperméabilisation des sols consiste à «goudronner, bitumer» les sols. Lorsqu’un sol est imperméabilisé, les eaux ne peuvent plus s’infiltrer dans le sol. La désimperméabilisation consiste à restituer un terrain végétal, ce qui permet l’infiltration des eaux.
Lorsque les sols sont imperméabilisés, les eaux pluviales ne sont pas envoyées dans les réseaux d’assainissement mais dans des réseaux d’eau pluviale. Ces réseaux évacuent l’eau pluviale dans les cours d’eau. Or, l’urbanisation s’est étendue et a entraîné des arrivées d’eau dans le réseau plus importantes. Lors d’épisodes pluvieux violents, les centres urbains peuvent alors être inondés par saturation et refoulement du réseau.
-Le principe de la désimperméabilisation des sols poursuit au départ un premier objectif : soulager le réseau d’évacuation des eaux pluviales conçu il y a plusieurs décennies et aujourd’hui sous-dimensionné.
-Le deuxième objectif est apparu dans un second temps: réduire les crues des cours d’eau. En effet, le réseau d’eau pluviale amplifie la crue lors d’épisodes pluvieux importants.
-Aujourd’hui, un troisième objectif s’impose : la gestion de la ressource en eau. Les conséquences d’un déficit d’eau sont un assèchement des cours d’eau, des zones humides, des terres agricoles et un abaissement des nappes d’eau souterraines.
Or, l’eau a de multiples usages : agriculture, irrigation, eau potable, industries, refroidissement des centrales nucléaires, milieux aquatiques. Or, la période exceptionnelle que nous vivons va devenir la norme, les conflits d’usage de l’eau vont devenir monnaie courante et sans doute plus tendus.
La ressource en eau est déjà déficitaire face à l’ensemble de ces usages.
Or, depuis des décennies, nous avons très souvent recherché à évacuer le plus rapidement possible l’eau qui tombait au sol, à commencer par la gestion des cours d’eau. Le principe était de protéger les parcelles riveraines y compris agricoles. On a donc canalisé et endigué les cours d’eau dans toute la plaine, depuis le pied du Vercors jusqu’au Rhône. Cela a pour effet d’envoyer l’eau plus à l’aval, au détriment de nos territoires.
Nous héritons de cette stratégie et constatons que les cours d’eau ne débordent presque plus dans les zones agricoles. Mais les zones inondées se trouvent ainsi plus en aval des cours d’eau et les inondations y deviennent plus violentes, car les digues ont pour effet d’augmenter la vitesse et donc le débit de l’eau.
C’est pourquoi, pour garder l’eau sur notre territoire au lieu de l’envoyer plus à l’aval, il faudrait que les cours d’eau puissent déborder plus en amont pour recharger les nappes situées sous les terres agricoles. Pour cela, il faudrait supprimer certaines digues ce qui permettrait aussi des inondations plus lentes et moins dangereuses pour les riverains.
Cependant, il est compliqué aujourd’hui de convaincre les agriculteurs mais aussi les élus du territoire de supprimer les digues des cours d’eau pour qu’ils débordent plus souvent dans les champs. Or, les terres les plus fertiles sont celles qui ont été inondées régulièrement depuis des siècles, voire des millénaires, grâce au limon apporté par les inondations. Faut-il enrayer ce processus naturel séculaire ?
Il devient nécessaire de repenser certaines pratiques et la nature des cultures. Des recherches sont menées pour adapter les systèmes, les cultures, l’aménagement des parcelles pour réduire les effets du réchauffement climatique.
Pour autant, pour un agriculteur, le changement de pratique reste très complexe. Un accompagnement par la politique agricole commune (la PAC qui est le système de financement européen de l'agriculture), les instances agricoles (chambre d’agriculture) et les politiques municipales constituent des aides précieuses.
Or, une commune a des marges de manœuvre pour désimperméabiliser les sols et modifier les réseaux d’eau pluviale, afin de favoriser l’infiltration des eaux dans le sol au bénéfice de l’agriculture. Pour cela, il faut végétaliser largement les espaces publics, ce qui permettra également de lutter contre les « îlots de chaleur ». Les cours d’école se prêtent bien à ce type d’opération, ce qui permettra également d’agir pour le bien-être des élèves.
Des communes ambitieuses en la matière ont déjà engagé des programmes importants et ne se limitent pas aux cours d’école : parkings non goudronnés, places publiques, tours des arbres... Les aides financières existent.
Puisque nous sommes tous concernés, il est également temps que les supermarchés et les entreprises qui possèdent de nombreux parkings s’emparent du sujet. Si la commune ne peut agir sur le domaine privé, elle peut inciter et aider les commerces et entreprises.
Pour terminer, les citoyens peuvent aussi agir pour garder l’eau sur notre territoire. Si la règle pour toutes les nouvelles constructions est d’intégrer l’eau sur la parcelle, de nombreuses constructions plus anciennes sont connectées au réseau pluvial. Il est possible de faire quelques petits aménagements pour permettre à l’eau de pluie de rejoindre le sol : infiltration directe à la tombée de chéneau, aménagement d’un jardin de pluie, puits perdu…
Pour conclure, aujourd’hui et pour ne pas compromettre la ressource en eau à moyen et long terme il faut s’engager pour mieux conserver l’eau là où elle tombe. Pas de panique nous ne retrouverons jamais le vaste marais qui caractérisait la plaine de la Véore il y a quelques siècles !