Le canal des moulins est un sujet qui fait couler plus d’encre que d’eau depuis quelques années.
Au départ, le canal servait à apporter de l’eau aux cultures maraîchères. Avec le développement industriel à Chabeuil, il a permis d’alimenter en eau les petites industries de Chabeuil, notamment papetières.
Aujourd’hui, son intérêt est moins industriel, mais plus environnemental. Il permet en effet d’amener de la fraîcheur dans le vieux Chabeuil et abrite une espèce protégée, une libellule, l’agrion de mercure, également présente sur la commune de Chabeuil. Il fait partie de l’histoire et du patrimoine de la ville. Il a également un intérêt sanitaire, en recueillant les eaux pluviales sur son tracé, et notamment les eaux de voirie dans le vieux Chabeuil.
Sa gestion est devenue communale à partir de 1994 car les riverains ne parvenaient plus à mener à bien cette mission. La gestion a longtemps été minimaliste car l’eau coulait et aucun désagrément n’existait. En 2015, il a fallu mettre la prise d’eau du canal en conformité avec la loi sur l’eau qui impose le retour à un bon état écologique des cours d’eau.
Or, le « seuil » qui permet de prélever l'eau de la Véore pour alimenter le canal est un ouvrage humain qui perturbe fortement la continuité écologique notamment pour la truite fario avec une population «de souche de la Véore». D'ailleurs depuis de nombreuses années il n'y a plus de déversements de truites d'élevage pour préserver cette population, il s’agit d’une «gestion piscicole patrimoniale».
A l'époque le SMBV Véore (syndicat mixte du bassin versant de la Véore, absorbé par l’agglo depuis) décide logiquement de rendre franchissable cet ouvrage. Plusieurs scénarios sont étudiés, suppression du seuil ou passe à poissons (PAP). La commune souhaite écarter les solutions de suppression et conserver le seuil pour que le canal continue à être alimenté. La DDT a validé cette option alors qu'elle constate que le prélèvement d'eau pour alimenter le canal n'a pas d’existence légale et qu'il ne devrait pas être autorisé.
Ainsi l’arrêté préfectoral valide le projet en imposant deux conditions :
-que l’ouvrage de franchissement (PAP) fasse en sorte que le débit réservé soit respecté. Le débit réservé est le débit qui doit rester dans la rivière après tout prélèvement pour préserver la vie aquatique. C'est un débit calculé (1/10ième) sur la base du débit moyen annuel sur 5 ans.
-que la commune dépose un dossier de régularisation du prélèvement d'eau dans la Véore.
Suite à la décision du Préfet, la passe à poisson a été réalisée. Depuis, l’eau n’arrive plus par le canal jusqu’à Chabeuil. Sans doute, la coupure prolongée du canal pour réaliser les travaux a-t-elle eu un impact sur son étanchéité. Il semblerait que des pertes importantes se produisent au niveau de l'ancienne usine de papeterie. Des travaux de réduction de perte ont été réalisés sur plusieurs centaines de mètres après la prise d’eau. Le lit du canal a été refait entre les écuries et les Marions, de l’argile a été apportée pour améliorer l’étanchéité, mais c’est insuffisant. Un curage a été fait près de la papèterie. Mais les essais pour faire couler l’eau dans le canal se sont conclus sur un échec.
De 2015 à 2020, des travaux d’entretien régulier ont été menés par les employés municipaux. Le budget était alors de 30000€ annuels, moitié en investissement, moitié en fonctionnement. En 2021, 8000€ ont été inscrits au budget, mais non dépensés. En 2022, aucune dépense n’a été prévue au budget.
La commune a porté le dossier de régularisation de la prise d'eau exigé par la DDT. Le 22 juin 2020, le prélèvement d’eau pour alimenter le canal a été autorisé par arrêté préfectoral. L'arrêté préfectoral prévoit la possibilité de prélever jusqu'à 50 litres/seconde à condition de respecter le débit réservé dans la Véore. En période d’étiage (l’été, avec une période de basses eaux de plus en plus longue), l’autorisation est de 30 litres/seconde, dans le respect du débit réservé de 73 litres/seconde dans la rivière. En été, le débit de la rivière est tellement bas qu'il ne sera probablement plus possible de prélever de l'eau dans la rivière.
Une déclaration d’intérêt général portant sur la réalisation de travaux d’entretien d’étanchéité dans le canal a également été prononcée. L’objectif de ces travaux est de maintenir un usage, de maîtriser le risque inondation, de maintenir l’humidité nécessaire au bon d’état des fondations, de maintenir la fonction d’évacuation des eaux de surverse et des eaux pluviales raccordées directement au canal, de préserver et restaurer l’environnement et enfin d’améliorer le cadre de vie des riverains.
Les travaux sont décrits par cette déclaration d’intérêt général : entretien de la prise d’eau, installation d'un dispositif pour contrôler les volumes prélevés et assurer le maintien du débit réservé, opérations de curage et débroussaillage, maintenance des parties maçonnées, restauration des ouvrages techniques et entretien des déversoirs d’orage.
A ce jour, les travaux ne sont ni programmés ni financés.
Une des fonctions du canal est de contribuer à évacuer des eaux pluviales trop abondantes hors du village. En effet, le canal sert de réseau de récupération des eaux usées et pluviales et de « déversoir » sans que ce soit sa vocation initiale. Il n’y a plus de rejet d’eaux usées directement dans le canal, les quelques situations restantes ont été réglées. En revanche, comme il n’y a pas de réseau séparatif entre les eaux « usées » et les eaux pluviales dans le vieux Chabeuil, les eaux usées continuent de se mêler aux eaux pluviales. En cas de fortes pluies ou orages, ces eaux se déversent dans le canal. Ensuite, en l’absence de débit dans le canal, l’eau stagne. L’impact sanitaire peut être important et invivable sur certains tronçons (odeurs nauséabondes, moustiques,…).
A la demande de la commune, dès 2015 et en raison de l’assec, l'agglo s'est penchée sur le sujet. Mais l’agglo s’est longtemps interrogée sur sa responsabilité pour prendre en charge les travaux d’entretien du canal en attendant la mise en séparatif du réseau. En effet, l’agglo considérait que le canal ne lui appartenait pas et appartenait à la ville ou à des propriétaires privés et qu’il n’avait pas vocation à recevoir les eaux pluviales.
L’agglo va finalement engager les travaux de séparatif des réseaux d’eaux usées et d’eaux pluviales dans le centre historique. Ils débuteront à l’automne. L'opération sera techniquement compliquée et coûteuse car la voirie est trop étroite. Les eaux pluviales seront réceptionnées par le canal. Les travaux sont évalués à 800000€, partagés entre la ville et l’agglo, il faudra en outre reprendre la voirie à l’issue des travaux d’assainissement. Se posera alors la question de la responsabilité de l’entretien de l’ouvrage : commune gestionnaire du canal ou agglo utilisatrice du canal ?
Régulariser la prise d’eau et l’ouvrage de contrôle de prélèvement, assurer un entretien régulier pour curer et enlever le limon, mener les travaux d’étanchéité ou de dévoiement si les fuites ne peuvent être traitées efficacement, clarifier et conforter le rôle de déversoir d’eaux pluviales, mener les travaux de mise en séparatif et enfin faire des conventions avec les familles utilisatrices pour l’entretien et la gestion de l’eau.
L’assemblée générale de l’association des amis du canal des moulins de Chabeuil s’est réunie le 14 mai en présence du maire. Celui-ci s’est engagé sur des solutions, sans qu’on sache à ce stade les mesures et financements envisagés, le budget pour 2022 étant pour le moment de zéro euros. Sujet à suivre dans les prochains mois.